Théma
Notre devoir
de mémoire
SOI et Camp
de la Paix de Mainville, pépinières de résistants
Dès
1933, on savait
Volontaires
de la Guerre d‘Espagne
Les Fusillés
du 30 avril 1944 à la prison de la Santé
La Mutinerie
du 14 juillet 1944 à la prison de la Santé. Témoignage
Du
nouveau sur la Libération
de Draveil [1] [2]
Déportés,
Internés de Draveil [Cartes]
Déportés,
Internés, Résistants de 1939-1945, Draveil
Déportés,
Internés de Vigneux [Cartes]
Déportés,
Internés, Résistants de 1939-1945, Vigneux
Jeunesse résistante Draveil Vigneux
Exposition
"Draveillois(es) en Résistance"
Exposition
" Parcours Santé "
Concours National Résistance Déportation
1908 - Les Grèves de Draveil-Vigneux
Notices
biographiques
AUCLAIR Marcelle
BERNIER Mauricette
BIANCHI Sonia
BRÉANT Geneviève
BROSSARD Pierre
BRU Léon
CAZIN Marcel
CHADEL Julien
DEGUÉRET-LEBERRE Simone
DEGUÉRET-PAYEN Suzanne
DE WITTE
DREYFUS
Georges
Colonel FABIEN
GEORGES Pierre (Colonel FABIEN)
GERVAIS Sylvain
GUEGUEN-DREYFUS
Georgette [1] [2] [3] [4]
HAZEMANN
Jean-Jacques [1] [2]
HAZEMANN Robert-Henri
HANSEN-ROTENSTEIN Geneviève
JEUNON
Jacqueline [1] [2]
JEUNON
(Famille) [1] [2-Morning
Star]
JEUNON Madeleine
JULIAN Camille
JULIAN Fernand père
JULIAN Fernand fils
LAFARGUE Paul
LE
BAIL René
LE
BERRE Maurice
LEJEUNE Adrien
LE LAY Antonine dite "Julienne"
LE LAY Désiré
LEROY
André
LEROY-RODRIGUEZ Geneviève
LINARD Marcel
MAHN Berthold
MANGIN-SOUCHE
Lucienne
MARX-LAFARGUE Laura
MARZIN Madeleine
MATHA Armand
MATHIS-NOYER Émilie
dite «Lili»
MENVIELLE Charles
MOREAU Germaine
NOYER Paul
OUZOULIAS Albert
PASDELOUP Auguste
PAYEN
Roger [Sommaire] [1] [2] [3] [4]
PICARD R.
PIECK Wilhelm
PRÉVOST Alain
PRÉVOST Jean
PRÉVOST Michel
RODRIGUEZ André
RODRIGUEZ Gonzalo
SADOUL Jacques
SCHNAIDERMAN Gdalien
TAILLADE
Auguste dit Pierre
TRIOULLIER Jean
TRIOULLIER Lucienne
Les auteurs
Notre devoir de mémoire |
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Le point de départ de cette étude est notre volonté de recueillir les témoignages de militants âgés sur des épisodes héroïques de leur vie. Tous les personnages de cette histoire possèdent en commun une qualité et un défaut, leur extrême modestie. Jean-Jacques HAZEMANN ne nous avait jamais raconté comment il a risqué sa vie en tant que jeune médecin FTP dans les maquis de lAin. Nous lavons appris initialement dans les livres. Madeleine MARZIN, avec qui nous avions des discussions chaque dimanche au point de rencontre de vente de lHumanité, ne nous avait jamais parlé de ses responsabilités nationales dans la Résistance des femmes sous loccupation, de sa condamnation à mort, de son évasion, de sa carrière de députée. Nous avons trouvé son nom au hasard de lectures. Germaine MOREAU névoquait jamais cette période de sa vie comme agent de liaison pendant la « dernière » guerre. Là encore, ce sont les livres qui nous ont informés. Il devenait urgent de faire parler, de donner enfin la parole à ces protagonistes de notre histoire commune.
Peu dacteurs du mouvement populaire ont fait lobjet détudes de la part des historiens locaux. La mémoire locale est fort sélective. En tant que communiste, seul Paul LAFARGUE est reconnu comme personnalité draveilloise. Mais Laura MARX, fille de Karl, nest pas seulement la femme de Paul. Cest un personnage à part entière, elle a fait uvre. Quel Draveillois peut encore mettre un nom à ces personnages hors du commun, qui pourtant ont vécu à Draveil à un moment de leur vie : Adrien est le dernier survivant des combattants de la Commune de Paris. Il habite Paris-Jardins. Le gouvernement soviétique linvite à venir terminer sa vie en URSS. Presque centenaire, le monde entier vient lui rendre visite et hommage dans la banlieue de Moscou. Sa tombe côtoie celle de Paul LAFARGUE et Laura MARX au pied du mur des Fédérés au Père-Lachaise. Camille JULIAN avait conservé la mémoire dAdrien. (Adrien LEJEUNE). Maurice, « Noël » ou « Le Tondu »dans la clandestinité, est un héros des « Bataillons de la Jeunesse», « frère darmes » dAlbert OUZOULIAS, selon son expression. Un des premiers francs-tireurs, il devient dirigeant FTP. Dans la première quinzaine daoût 1941, Maurice et son ami Albert MANUEL, un jeune communiste espagnol, suppriment une nuit un nazi. Cest la première exécution dun officier nazi sur le territoire français. Ils vengent ainsi André MASSERON, fusillé le 24 juillet, et donnent le coup d'envoi de la lutte armée dans notre pays. (Maurice LEBERRE). Avec son fiancé Maurice LEBERRE, Simone participe le 29 mai 1942 à lattentat contre le Préfet de police de Paris. Combattante des « Bataillons de la jeunesse », elle est une des trois jeunes filles du premier maquis de la Région parisienne, en juin 1942, au « Camp du Calvaire » à Moret-sur-Loing. (Simone DEGUÉRET) Dans cette pépinière de résistants qua été le Camp de la Paix de Mainville, Pierre, « Fredo » au début de la clandestinité, se forge sa forte personnalité. En tant quanimateur du Camp, il forme une multitude de jeunes dont un certain nombre, comme son ami Maurice LE BERRE évoqué ci-dessus, constitueront les « Bataillons de la Jeunesse », jeunes combattants de pointe dans la défense de notre pays, de notre dignité. Il nhabite pas Draveil, mais y séjourne. Le 21 août 1941, Pierre abat, pour la première fois en plein jour, un officier nazi. Il devient colonel. Un indice : on lappelait « Fabien ». (Pierre GEORGES, Colonel FABIEN). Berthold est un portraitiste, graveur et illustrateur réputé, connu notamment des bibliophiles. Ami de BARBUSSE, Jean-Richard BLOCH, Claude AVELINE, Henri BÉRAUD, Jules ROMAIN, Georges DUHAMEL, il leur donne une preuve daffection en illustrant leur uvre. Avec Luc-Albert MOREAU, il est un des grands maîtres de la gravure de la guerre de 14-18. Il illustre magistralement « Le Feu » de BARBUSSE, « Don Quichotte » de CERVANTES, « Le Grand Meaulne » et des dizaines duvres littéraires. Personnalité de gauche, non communiste, il nen est pas moins oublié par les Draveillois. Roger PAYEN et Rosette LANGLOIS, qui lont bien connu, nous ont parlé de ce regard éveillé du XXe siècle. (Berthold MAHN). Jacques est officier dinfanterie de réserve. En 1916, il est appelé au cabinet du nouveau ministre de lArmement, Albert THOMAS, qui lenvoie en mission officielle en Russie. Le but non avoué est de tenter de maintenir la Russie dans la guerre. Mais le capitaine Jacques se rallie aux Bolcheviks. En 1919, le gouvernement le traduit devant le Conseil de guerre. Il est condamné à mort. Après la victoire du Cartel des gauches, il rentre en France, est arrêté, jugé et acquitté. (Jacques SADOUL). Michel, le « Gavroche du Vercors », participe à 17 ans aux combats de ce maquis. Un des plus jeunes « Croix de guerre », il devient par la suite secrétaire de la section du Parti communiste de Draveil. (Michel PRÉVOST). Alain, son frère, est écrivain. Dans la grande douleur consécutive à la mort de leur père Jean, Capitaine GODERVILLE, un des fondateurs du maquis du Vercors, Alain cherche à connaître les responsabilités du désastre. Dans son livre « Le Peuple impopulaire », il pose la question de la trahison du maquis du Vercors par Londres et Alger. Le peuple acteur, la nation en armes font peur à ce point. Alain a été membre du Comité directeur du CNÉ (Comité National des Écrivains). (Alain PRÉVOST). Georgette, écrivaine, est résistante FTP dans les maquis de lIndre. Elle devient dirigeante du Front National de ce département. (Georgette GUEGUEN-DREYFUS). (Il s'agit là, bien sûr, du véritable FN, le Front National de Lutte pour l'Indépendance de la France). Georges, son mari, est conseiller municipal de Draveil. Combattant de la guerre dEspagne, résistant, il est un des deux fondateurs du Front national de lIndre, lieutenant « Paul » FTP et capitaine FFI. Il fait partie dune grande famille dindustriels, est ami de Jean LURÇAT, Paul VAILLANT-COUTURIER, ami denfance de Georges COGNIOT. Après ses études, il commence sa carrière comme directeur-adjoint dune société de papiers. Sur la liste municipale des élections de 1935, la profession indiquée est « employé ». (Georges DREYFUS). Médecin, Robert-Henri est le fondateur de la médecine sociale. Avec deux autres personnes, Albert DELSUC, secrétaire général de la Fédération nationale des blessés du poumon et larchitecte moderniste Pierre FORESTIER, il fonde entre 1930 et 1933 une ville considérée aujourdhui comme la seule réalisation en Europe au XXe s. dune cité idéale. « Clairvivre » est une sorte de phalanstère situé en pleine forêt périgourdine. Cette réalisation dite « utopique », conçue à lorigine pour accueillir les gazés de la guerre de 14-18 et les tuberculeux, est actuellement le lieu de vie de 1000 habitants. (Robert-Henri HAZEMANN). Marcel est conseiller municipal de Draveil. En février 1940, il est déchu de ses fonctions suite aux mesures frappant les communistes qui veulent le rester. SARRAULT, ministre de lIntérieur avait avoué, en octobre 1939, alors que la France était en état de guerre avec lAllemagne, « Le communisme, voilà lennemi ». Résistant FTP, Marcel devient lieutenant-colonel FFI. Il est rétabli dans ses fonctions de conseiller municipal à la Libération. (Marcel CAZIN). Voilà entre autres quelques destins draveillois et quelques oublis peu anodins. Tous, sauf Berthold, sont communistes. De même, les événements tendent à seffacer. Notre mémoire collective conserve par exemple le souvenir dune réunion importante tenue à Draveil dans les années trente par les antifascistes allemands. Cest bien à Draveil, en janvier 1939, que sest tenue cette « Conférence de Berne ». En présence de Wilhelm PIECK, futur premier président de la RDA, qui le restera jusquà sa mort, ce XIVe Congrès du KPD (Parti communiste allemand), le deuxième depuis lillégalité, constate limminence de la guerre, appelle au renversement dHITLER et pose les bases dune République démocratique allemande. À Draveil est conçue la future RDA.
Par ce travail de mémoire, nous souhaitons combler quelques lacunes dans la connaissance et surtout rendre hommage à tous ces militants draveillois, tous « les obscurs, les sans grade », toutes ces grandes figures qui ont marqué lhistoire du mouvement ouvrier dans notre commune. Les faire connaître nest que rendre justice. Sans demander de contrepartie, ces artisans ont donné énormément de leur temps, risqué et parfois perdu leur vie pour défendre notre dignité, notre liberté à tous. Dans des souffrances inimaginables pour nous, ils ont combattu la barbarie nazie et réussi à conquérir des droits nouveaux. Auteur de nombreux attentats contre les nazis et leurs biens volés, Maurice LEBERRE, des « Bataillons de la jeunesse », est arrêté, torturé, sévade, est repris en 1943, puis déporté. Les médecins lutilisent comme cobaye pour leurs expériences médicales. Il rentre des camps, tuberculeux et reprend la lutte. Jacqueline JEUNON a 17 ans lorsquelle est arrêtée avec cinq autres membres de sa famille. Condamnée à mort, elle est déportée dans les camps nazis. Son crime ? Ella tape des tracts communistes appelant à la résistance contre loccupant. Elle habite Vigneux, mais milite aussi avec les jeunes de Draveil. En 1940 et 1941, cest sa sur Hélène qui apporte les tracts tirés à lÉcluse de Vigneux chez le teinturier communiste DE WITTE proche de léglise de Draveil. Une rue de notre commune porte le nom de la jeune martyre Jacqueline JEUNON. Dans son bagne de Haute-Silésie, Jacqueline refuse de travailler pour lindustrie darmement allemande, des postes de radio militaires. Après dautres sanctions, elle est mise aux « arrêts durs » trois mois et demi dans une cave froide, sans jamais rien de chaud, vêtue dune robe de toile, avec pour toute nourriture une tranche de pain à chaque repas et de leau, couchant sur un bas-flanc, sans air, sans lumière, sans hygiène. On la sort de son cachot, elle ne cède toujours pas. Elle meurt peu de temps après, tuberculeuse. Sur les six membres de la famille JEUNON arrêtés, seule sa mère revient. Son père Jacques est fusillé au Mont Valérien comme otage, son grand-père, sa grand-mère, sa tante et elle-même meurent en déportation. Parfois la souffrance imposée au rebelle est plus insidieuse. La quasi-totalité des témoins interrogés ont fait part des conséquences de leur engagement sur leur vie professionnelle : refus dembauche, licenciements des meneurs de grève, placards. Nous, générations daprès-guerre, sommes redevables à tous ces militants de notre Sécurité sociale, de services publics de haut niveau, dun certain degré de liberté. Cest surtout lactivité militante qui permet dagir sur la société, de la transformer. Il serait injuste que la mémoire de ces acteurs disparaisse. Écrire sur eux vise à rendre aux Draveillois leur conscience, leur histoire.
Le souvenir de tous ces résistants nous tourne vers lavenir. Ce travail veut faire souffler lesprit de résistance sur notre XXIe siècle. Le front est toujours là. Chaque jour sont prises des décisions réduisant les acquis de nos parents. Nos enfants hériteront-ils dune peau de chagrin ? Guy MOQUET, le plus jeune des Martyrs de Châteaubriant, fusillé à 17 ans, écrivait en conclusion de sa lettre dadieu : « Vous tous qui restez, soyez dignes de nous, les 27 qui allons mourir ». Sommes-nous réellement à la hauteur ? Ce début de siècle appelle linnovation, dans le domaine social comme dans les autres. Lindividu conformiste ne peut être créateur. Aujourdhui, comme hier, il faut savoir dire non. Les inégalités sociales croissantes, la guerre, le racisme, la délégation de pouvoir, ce nest pas la modernité, ce sont des archaïsmes. Comme les oiseaux mazoutés des plages de lAtlantique, notre société semble engluée dans les problèmes de la fin du XXe siècle. La connaissance du passé peut contribuer à combler le déficit actuel desprit de résistance et dimagination.
Parce que nous pensons, comme MARX, que ce sont les hommes qui font lhistoire, nous souhaitons mettre au premier plan les individus, leurs témoignages, leurs parcours divers. Lhistoire de la lutte de classe en France est complexe. Sa connaissance nécessite une étude au niveau le plus fin, cest à dire au niveau local et au niveau des hommes et des femmes. Il faut remettre à lhonneur lhistoire individuelle, partie prenante dun destin collectif. Chaque notice biographique représente une expérience humaine unique. On évoque parfois le monolithisme du PCF. Nous avons, nous, constaté chez ces militants la multiplicité des voies de la transformation sociale. À chaque étape de sa vie, chacun a été amené à faire des choix individuels. Depuis avant 1914, le socialisme est une composante de la réalité draveilloise. Il la modifiée et a été marquée par elle. Dès 1908, les grèves de Draveil-Vigneux font connaître notre commune à la France entière et au-delà. En 1911, les anarcho-syndicalistes de Paris-Jardins mettent Draveil en révolution. Après la guerre de 14-18, les élections municipales de 1919 donnent une moyenne de 201 voix pour le Parti socialiste (davant 1920), 306 voix pour la liste de droite, 42 voix pour une 3e liste. En 1932, les Draveillois élisent un député communiste, Lucien MIDOL. En 1935, cest « Draveil-la-Rouge », une des premières municipalités communistes. Mais cette réalité locale est fortement liée au contexte régional, national et international. Le phénomène des « mal-lotis », en partie responsable de la poussée du Parti communiste au début des années trente, est commun à toute la région parisienne. Comme en dautres époques les jeunes gens ne pouvaient déroger au fameux voyage dItalie, dans les années trente, tous les intellectuels, des représentants de toutes les classes sociales font le voyage en URSS. Le besoin de connaissance de cette nouvelle société est immense, dans tous les milieux. Conseiller municipal de Draveil, Georges DREYFUS est aussi un des principaux responsables en France des échanges avec lURSS. Avec Jean LURÇAT, futur rénovateur de lart de la tapisserie, et Paul VAILLANT-COUTURIER, ils créent et développent la revue Russie daujourdhui dont le tirage atteindra 135 000 exemplaires en 1936. Georges est également un des responsables de lassociation des « Amis de lUnion Soviétique » (AUS) dont Henri BARBUSSE est un des fondateurs et le président dhonneur jusquà son décès. En donnant au maximum la parole aux témoins, nous souhaitons apporter une meilleure connaissance de lhistoire mais non la réécrire. Lévolution de la perception dun événement historique entre ses témoins et/ou acteurs et leurs descendants est étonnante. Le sondage suivant (1) montre cette distorsion. À la question « Quelle est, selon vous, la nation qui a le plus contribué à la défaite de lAllemagne en 1945 ? », 57 % des Français répondaient lURSS et seulement 20 % les États-Unis, en mai 1945. En 1994, ils ne sont plus que 25 % à dire lURSS et 46 % les États-Unis. Et dans vingt ans ? |
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Martine Garcin ![]() (1) Sondage IFOP-GALLUP, Le Monde, 31/05/1994
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